Au secours, j'ai besoin d'amour

En sept ans d'envoi quasi mensuel de la newsletter de Silence, je n'avais jamais reçu autant de retours que pour la dernière. Ma meilleure amie a abordé quelque chose. Sur les 4583 destinataires, avec un taux d'ouverture de 57 %, vous avez reçu 2618 à la lire. Et parmi vous, beaucoup ont pris le temps de m'écrire.

Des proches, des inconnus, même des personnes dont je ne soupçonnais pas qu'elles me lisaient. Je lis tout, même si je ne peux pas répondre à chacun. Vos mots m'ont touché.

Et puis la vague est retombée, les messages se sont espacés. J'ai senti un manque. J'ai commencé à me demander ce que je pourrais écrire ensuite. Quel sujet serait assez fort, assez touchant, assez « à la hauteur ».

J'ai observé cette part de moi qui a tant besoin de reconnaissance, qui a besoin d'être aimée à travers le regard des autres. Comme s’il fallait mériter l’écoute. Interprète. Comme si ce que je suis ne suffisait pas sans un effet « wouahou ». Je le connais bien. Je tente de ne pas la juger, je fais juste attention. Parce que si elle prend trop de place, je m'éloigne de la sincérité de l'élan initial.

Quand j'ai quitté les réseaux sociaux, il y a six mois, je croyais que ce besoin d'approbation s'était calme. Mais le mécanisme ne s'est pas envolé, il a simplement muté. Et moi, j'attends encore parfois mon shoot de validation.

En réalité, cette habitude de vouloir plaire ne s'exprime pas que dans l'écriture. Elle se glisse partout, sans prévention.

Ce matin encore, j'ai ri aux éclats avec mon fils Salvador, et j'ai regardé du coin de l'œil si Jonathan nous avait vus. Si ça l'avait fait sourire. Comme si le moment comptait davantage s'il était remarqué.

Parfois, une part de moi espère un compliment quand je me suis parfois habillée un peu mieux que d'habitude. Ou quand je cuisine un bon plat. Ou quand je donne de l'argent à un mendiant, une part de moi espère un respect reconnaissant.

C'est un besoin qu'on connaît tous, il s'enracine tôt, dès l'enfance. On apprend vite que quand on fait « bien », on est félicité. Et quand on fait « mal » — quand on dérange ou qu'on sort du cadre — on peut être ignoré, mis à l'écart ou puni.

Alors on grandit avec cette équation : faire bien = être aimé. Et même adulte, c'est notre enfant intérieur qui continue de la porter. Personne ne nous gronde plus, mais la peur reste, tapie dans un coin du système nerveux. Cette part de nous vulnérable continue de croire qu'il faut briller pour être digne d'amour. Alors on guette encore les signes d'approbation : un merci, une validation, un compliment.

Et toi, ce besoin d'approbation, il se manifeste où dans ta vie ?
Au travail ? En famille ? Sur les réseaux ? Avec les amis ?

Qu'est-ce que c'est, cette partie en nous qui agit dans l'espoir d'un retour ? Qui a besoin d'un témoin pour exister un peu plus ?

C'est une part de nous qui veut juste se sentir aimée, rassurée. Qui a besoin de savoir qu'elle compte. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas honteux. C'est juste une partie qui a besoin d'attention. Et peut-être qu'on peut commencer par lui dire : je te vois. Je suis là.

Alors je me suis posé la question : comment je cultive l'amour de moi, sans attendre qu'il vienne de l'extérieur ?

Parfois, c'est quand je ferme l'ordi pour aller danser, même juste quelques minutes.
Quand je me choisis en déclinant une invitation qui me tente moyennement.
Quand j'écoute ma fatigue, et que je m'accorde une sieste alors que j'ai encore mille choses à faire.
Quand je fais du yoga et que je reviens dans mon corps.
Ou comme maintenant, quand je continue à écrire même quand il ne se passe rien de spécial.
Et parfois, c'est juste me dire : t'as fait de ton mieux.

Rien d'extraordinaire, mais ça change quelque chose. Ça me repose à moi.

Et peut-être que c'est aussi ça, prendre soin de son enfant intérieur : lui montrer qu'il.elle n'a plus besoin de faire quelque chose d'exceptionnel pour mériter d'être aimé.e. Lui dire, encore et encore : t'as pas besoin de briller pour avoir le droit d'exister.

On peut apprendre à s'aimer en restant avec soi, en continuant à faire ce qui compte pour nous, même sans témoin. En laissant un peu d'espace à l'ordinaire. Juste parce qu'on est là. Juste parce qu'on existe.

Et toi, tu le cultives comment, l'amour de toi ?